cheval soif

L’élève et la soif d’apprendre.

C’est bientôt la rentrée pour les enseignants qui seront confrontés au problème complexe de l’apprentissage pour des enfants à priori non demandeurs. Voici un article de Samir Onfray qui soulève la question et propose la solution de l’apprentissage « in vivo ».

C’est bien sûr une des propositions de la méthode O Passo, que ce soit par le travail en groupe ou par le travail individuel des feuilles.

Comment conduire à l’abreuvoir un cheval qui n’a pas soif ?

La métaphore du cheval qu’utilise Rousseau dans son Émile pour illustrer l’éducation des petits enfants est très parlante d’autant plus qu’elle touche à un élément crucial de l’enseignement-apprentissage, à fortiori, la motivation.

En effet, beaucoup de gens s’accordent aujourd’hui pour dire que la motivation est un préalable nécessaire à tout acte d’ apprentissage. Autrement dit, on n’apprend que ce que l’on veut, quand on le veut et comme on le veut. Or, il se trouve que nos écoles dérogent souvent, sinon toujours, à ce principe fondateur et fondamental en imposant ainsi aux élèves des savoirs qui sont bien loin de les tenter… Mais ils apprennent tout de même contre leur gré afin de contenter leur enseignant , famille, société et que sais-je encore !

En procédant de la sorte, ces dits élèves cessent d’apprendre pour eux- même mais plutôt pour les autres ou tout au moins pour quelque chose : Réussir et avoir de bonnes notes !

Or, l’apprentissage, le vrai, est désintéressé dans la mesure où il est concentré sur lui-même. Autrement dit, il est en soi un moyen et une fin !

Contraindre donc un élève à apprendre quand il n’en a pas la moindre envie, c’est tout faire pour qu’il n’apprenne jamais, car  » on ne peut pas conduire un cheval qui n’a pas soif à l’abreuvoir » disait Rousseau. Mais que faire devant une telle réalité , devant ces élèves qui ne manifestent aucune envie pour l’apprentissage ? Globalement les enseignants opposent deux réactions pour remédier à ce fait pédagogique. Soit, ils s’en remettent à leur autorité en imposant, bon gré mal gré, leur savoir aux élèves et ceux-ci n’ont dès lors aucun choix que d’apprendre, ou encore, ils abandonnent définitivement le défi en se réfugiant dans la fameuse rengaine :

 » Je n’y peux rien, ils ne veulent pas apprendre! »

Or, ces deux attitudes ne peuvent passer l’une et l’autre sans entraîner de graves conséquences pédagogiques. Imposer ses connaissances, c’est endoctriner et asservir, ce qui trahit complétement la notion de l’apprentissage. Abandonner les élèves à leur sort, c’est pour l’enseignant faire preuve d’un échec plus dramatique que celui où il croit voir ses élèves ! Mais encore que faire bon sang ?

Rousseau a tenté une réponse à cet impasse pédagogique. Pour lui, il ne s’agit ni de forcer le cheval qui n’a pas soif à boire, ni de l’abandonner , ni d’attendre qu’il ait soif… mais de faire en sorte qu’il ait soif ! Et comment ? En lui servant du sel !

Et toute la tâche grandiose de l’enseignement et de l’enseignant est là ! Pour filer la métaphore du cheval on dirait aussi : Comment faire accepter quelque chose à quelqu’un qui n’en veut pas ? Comment un enseignant en l’occurrence peut éventuellement inciter à l’apprentissage des élèves qui ne veulent à priori rien apprendre ? Quel serait donc  » le sel pédagogique  » à servir aux enfants pour leur donner  » une soif intellectuelle « ?

On ne peut répondre à ces question en une seule phrase d’autant plus que la motivation est un concept pédagogique très complexe contrairement à ce que l’on croit d’habitude. Comme le disait Olivier Reboul , il n’y a pas une motivation au singulier mais des motivations au pluriel. Étant donné qu’il y a différentes sources de motivations, les élèves ne sont donc pas motivés par les mêmes raisons et pour les mêmes conséquences. Ceci rend encore la tâche de l’éducateur très complexe et difficile. Car il ne s’agit pas pour lui de motiver n’importe qui et n’importe comment, mais de savoir qui motiver, comment le motiver, et pourquoi le motiver !

Force est de rappeler à cet égard que toutes les pédagogies modernes dites non- directives ont bien tenté chacune à leur manière de répondre à ce besoin de motivation pédagogique, en mettant l’apprenant lui-même au centre de l’opération pédagogique et en partant du fameux principe que c’est en responsabilisant l’enfant qu’on le motive ipso facto à apprendre.

Olivier Reboul en grand pédagogue qu’il fut, propose quant à lui un principe fondamental pour créer et renforcer la motivation à savoir

 » La simulation ! » simuler pour stimuler.

Pour lui, un élève ne peut apprendre qu’  » in vivo « . Autrement dit, c’est en le mettant devant des situations réelles ou pour le moins vraisemblables, qu’il peut s’enhardir à apprendre et résoudre des problèmes. C’est faire entrer la vie à l’école et non pas l’inverse. Or, nos écoles sont bien aux antipodes de ce souhait et continuent au contraire à creuser des abimes entre l’école et la vie, comme l’avait si bien formulé Camus :  » Nos écoles préparent nos enfants à vivre dans un monde qui n’existe pas ! »

Samir Onfray

Vous pouvez retrouver Samir Onfray ici.

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2 thoughts on “L’élève et la soif d’apprendre.

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      Salut Jérôme,
      Un immense Merci pour ces 2 jours de formation à Metz.
      Il y a des évidences qui s’imposent à nous dans la vie et cette rencontre avec ton enseignement en est une pour moi !
      Comment dire ?
      Tu sais, c’est cette sensation pour moi de retrouver des choses simples de l’enfance, une spontanéité, une joie du mouvement, un plaisir à retrouver un geste qui embarque tout le corps et l’esprit en union.
      Bref, tu l’as compris, je t’appelle très vite pour me renseigner plus précisément sur la formation 0 passo.
      Ça vient appuyer mes recherches pédagogiques que ce soit en musique ou dans mes cours de yoga.
      Merci pour l’exemple que tu donnes, pour ton investissement à faire aimer O passo et à communiquer une énergie fondamentale : celle qui m’a toujours intéressé, c’est à dire le plaisir d’être pleinement épanoui, d’être pleinement soi avec confiance sérénité, et donc sans la peur du jugement !
      Je viens de lire que l’on est de la même région.
      Je suis originaire de Bersac sur Rivalier à côté de Bessines sur Gartempe !
      Et aussi une chose :
      Merci pour remettre en avant la nécessité de la pratique et de l’énergie du groupe…ça m’a fait penser bien évidemment à l’Afrique mais plus proche de moi au travail de la moisson dans l’ancien temps où l’on battait les épis de blé au « Fléau » et où il était primordial d’avoir un rythme partagé entre les paysans !
      Le rythme m’a toujours travaillé de l’intérieure et ce besoin pour moi d’être dans le flow du groupe .
      Mon tél :
      06 62 87 47 21
      Merci
      Thierry Accard

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