musique et neurosciences

Comment O PASSO mobilise notre cerveau

Je suis toujours très intéressé par les chercheurs en neuroscience ; ce sont pour moi des aventuriers des temps modernes, qui explorent un continent encore mal connu : notre cerveau.

J’aimerais vous faire part d’une conférence du neuroscientifique Stanislas DEHAENE, que j’ai écouté récemment, qui m’a permis d’établir des liens étroits avec la démarche d’apprentissage que nous propose O PASSO.

Tout d’abord, rappelons que notre cerveau possède des zones spécialisées : pour le langage, les mathématiques, la reconnaissance des visages, …
On constate que l’apprentissage de la musique mobilise principalement les zones d’apprentissage du langage. C’est donc avec l’apprentissage du langage que je vais faire un parallèle.

D’après S. Dehaene, Les 4 piliers de l’apprentissage sont

  •  l’attention
  •  l’engagement actif
  •  le retour sur erreur
  •  la consolidation

Je vais ici m’attarder sur le premier et le dernier pilier qui sont liés à la méthode O PASSO elle même.
Les deux autres sont également liés à la méthode, mais aussi à la mise en œuvre.

Par exemple le retour sur erreur est facilement utilisé par l’enseignant dans un cours en présentiel, il est plus difficile avec l’apprentissage en ligne asynchrone alors qu’il s’agit bien de la même méthode.

L’attention : le « bon » niveau d’apprentissage

Stanislas DEHAENE nous explique que pour l’apprentissage de la lecture, le cerveau fonctionne par agrégation. C’est à dire qu’il part des plus petits éléments perceptibles visuellement, que constituent les traits. Il les agrège ensuite pour reconnaître les lettres, puis les syllabes et enfin les mots.
Les expériences montrent que, au fur et à mesure de l’apprentissage, l’agrégation est de plus en plus rapide. In fine, pour les personnes qui lisent couramment, le temps de lecture d’un mot de 3 lettres ou de 8 lettres est le même.

Un des rôles crucial de l’enseignant lors de l’apprentissage est donc de diriger l’attention de l’apprenant vers le niveau approprié en fonction de son avancement : la lettre, la syllabe, le mot.
Et il est donc important de commencer par le niveau le plus fin !

Je vous laisse prendre connaissance d’un extrait de la conférence ci-dessous

Je fais un parallèle avec le rythme :

C’est en apprenant la plus fine décomposition du rythme, comme nous le propose O PASSO, qu’on pourra construire une vraie compréhension du rythme.
Il est nécessaire de commencer par la compréhension des éléments constitutifs du temps, puis de la mesure et ensuite seulement, au-delà, d’un pattern rythmique.
Pour cela, on mobilise les circuits de l’hémisphère gauche du cerveau.

Si on apprend directement des patterns rythmiques complets – ce qui est tout à fait courant, notamment dans les musiques traditionnelles – c’est une approche globale et il n’y a pas compréhension du mécanisme interne. L’apprenant mobilise les circuits de l’hémisphère droit. Il ne peut pas généraliser.
Deux rythmes proches mais légèrement différents prendront « autant de place » en mémoire que deux rythmes très différents.
L’apprenant apprendra à chaque fois de nouveaux patterns, sans possibilité de généraliser : il ne sera donc pas autonome pour aborder un rythme inconnu de lui.

O Passo nous propose un enchainement de séquences avec les feuilles qui nous permet de constituer notre « alphabet » grâce auquel on est ensuite capable d’approcher et construire de manière autonome notre représentation de nouveaux rythmes.

Commençons donc bien tous par la feuille de temps, puis du « e », etc … sans prendre de raccourci !

La consolidation (mémorisation long terme)

Stanislas DEHAENE nous explique que lors de l’apprentissage d’une notion nouvelle, c’est le cortex préfrontal qui est sollicité.
Apprendre sollicite toute notre attention.

Pour retenir sur le long terme, il est nécessaire que ce qui a été appris par notre cortex pré frontal (zone dite consciente) soit transféré dans une autre zone du cerveau, une zone spécialisée (ici celle du langage) dite « non consciente ». Ce transfert permet d’« automatiser » le savoir.
C’est seulement lorsque ce transfert est réalisé que notre cortex préfrontal est « libéré » et que nous pouvons apprendre autre chose.

Nous ne pouvons apprendre qu’une seule chose à la fois.

Regardez ci dessous le court extrait de la conférence relatif à la consolidation des connaissances

Ainsi avec O PASSO nous pouvons mettre en lumière 2 étapes.

Première étape

=> Faire passer le mouvement du corps dans la zone inconsciente

Les premiers exercices avec O PASSO permettent progressivement de faire passer de notre zone consciente à notre zone inconsciente le mouvement du corps.
C’est ce que nous proposent tous les exercices avec les feuilles : si on arrive à réaliser sereinement les feuilles de base, c’est qu’on peut se concentrer sur les rythmes proposés sur la feuille car le mouvement est acquis et est passé en zone « non consciente ».

On constate d’ailleurs lorsqu’on aborde en stage les premiers exercices que même des musiciens aguerris peuvent avoir des difficultés : ils ne sont pas limités par la musique et le rythme, mais par le mouvement qui n’est pas encore acquis et qui reste dans leur zone « consciente ». Il leur est impossible de se concentrer sur des frappes des mains tant que le mouvement n’est pas automatisé..

Il ne faut donc pas aller trop vite : Lucas explique que la qualité du geste est primordial.
On pourrait compléter en précisant que cette qualité de geste doit être obtenue sans effort.

Deuxième étape

=> Faire passer le mouvement du corps ET le rythme joué dans la zone inconsciente.

Ainsi avec O PASSO, « Jouer et chanter » est une manière de vérifier que l’apprentissage est bien profond et que le rythme appris est passé de notre cortex préfrontal à notre zone de stockage .

En effet, comme il est impossible à notre cortex préfrontal de faire 2 choses nouvelles en même temps, il est nécessaire qu’au moins un des 2 rythmes soit transféré en zone arrière pour pouvoir jouer et chanter.

Si on veut vérifier que les 2 rythmes sont bien acquis, c’est à dire stockés en zone inconsciente, on peut pratiquer « jouer et chanter » de 2 manières :

  • d’une part en se concentrant sur le rythme 1, le rythme 2 est joué en arrière plan (c’est donc celui stocké en zone profonde)
  • d’autre part en se concentrant sur le 2eme rythme, le rythme 1 est joué en arrière plan.

Vous constaterez que dans les feuilles d’instruction, ce changement est régulièrement proposé.
Appliquez vous donc à bien suivre les conseils car ils ont une réelle utilité !

Les sollicitations croisées

Enfin on apprend que la consolidation est renforcée lorsque la notion apprise est abordée sous plusieurs aspects.
Par exemple pour la lecture : le fait d’écrire renforce l’apprentissage. Car pour écrire, il est nécessaire d’être précis et de connaitre tous les détails d’une lettre par exemple.

O PASSO utilise ce renforcement en abordant le rythme selon 3 voies : auditive, visuelle et corporelle.
Il est donc utile de bien utiliser ces 3 voies et de ne pas en sauter une.
Par exemple, connaitre une partition par cœur est utile, et on peut l’apprendre en l’écoutant. Mais avoir vu la partition renforce la mémorisation.
Ne court-circuitons pas cette étape visuelle.

Il est également utile d’écrire soi même avec la notation d’O PASSO les rythmes que l’on joue ou frappe.
On s’aperçoit en effet lorsqu’on écrit qu’il faut faire attention au placement des signes : par exemple mettre les temps à espaces réguliers, bien positionner les « i » entre le « e » et le temps, etc …
Tout cela facilite la consolidation de l’apprentissage.

 

Pour les personnes intéressées, vous pouvez regarder ci dessous la totalité de la conférence dont j’ai extrait les passages des 2 vidéos précédentes

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6 thoughts on “Comment O PASSO mobilise notre cerveau

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      Merci Ghislain, je diffuse et espère gagner des adeptes !

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      Merci pour cet article extrêmement intéressant! Tout s’éclaire!

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      Bonjour Guislain et Jérôme
      je suis toujours de près vos articles très intéressants.
      Merci de me mettre sur votre liste de diffusion car je les recevais sur la messagerie d’Accords Musique. La coordinatrice pédagogique actuelle est cependant toujours également intéressée, ne supprimez pas son adresse. !!
      amicalement

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      Bonjour Ghislain,

      Merci beaucoup pour cette vidéo très intéressante et ton travail d’analyse et de comparaison des études de S. DEAHENE sur l’étude du cerveau de l’enfant et l’adulte dans le processus d’apprentissage et la méthode O’Passo dans l’apprentissage et l’acquisition des différents rythmes musicaux. Je suis complètement d’accord avec la phrase du Président américain du M.I.T. Raphael Rif « Si nous ne savons pas comment nous apprenons, comment diable savons nous comment enseigner ? J’ai eu l’occasion dde suivre des cours en psychologie cognitive lors de mon DEUST en TMIC et ces cours me servent encore aujourd’hui .. et je n’ai pas fini d’apprendre. 🙂 Grace à ces cours d’ailleurs, cela me permet de bien comprendre cette mini conférence. Bravo et merci encore à toi

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      Ghislain

      Les méthodologies d’apprentissage donc le cerveau m’intéressent beaucoup aussi et au cours de mes recherches sur « Comment retenir l’information » il y a quelques années j’avais trouvé une méthode qui met en avant « la motivation » avant « l’attention » comme pilier d’apprentissage. C’est difficile de retenir l’attention des apprenants sans « motivation » de leur part pour le cours. Expliquer à quoi un enseignement peut servir dans la vie de quelqu’un, cela est, je trouve, absolument essentiel pour la personne qui souhaite transmettre un savoir, et si l’apprenant arrive au départ sans motivation.. Car il peut ensuite puiser dans les intérêts présentés pour trouver une voir plusieurs motivations.. Je regrette les profs que l’on n’a pas formé pour la pratique ou qui n’ont pas pris le temps d’expliquer pourquoi ils enseignent tel savoir et à quoi ce savoir peut-il servir dans la vie… Mon attention en aurait été très certainement améliorée voir éveillée dans certaines matières 🙂 Amicalement Gina Grisvard

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        Merci Gina pour ton commentaire
        Effectivement, la motivation est à la base de l’apprentissage. Encore différencie-t-on
        – la motivation extrinsèque apportée par des stimuli extérieurs ; qu’on appelle parfois la carotte et le bâton !
        – la motivation intrinsèque, qui vient de la personne elle même. C’est celle là qui est importante, que l’enseignant peut essayer de susciter et entretenir … mais qui reste in fine du ressort de l’apprenant !
        Savoir « éveiller la flamme » est surement le plus grand enjeu pour un enseignant

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