La méthode O Passo est de plus en plus utilisée dans le domaine du médico-social et du paramédical : les psychomotriciens (nes), orthophonistes, psychologues, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, éducateurs spécialisés, moniteurs éducateurs, y trouvent un outil efficient même sans une finalité musicale.
Je vous laisse découvrir cet article écrit par Marie Ange Diert, éducatrice au SESSAD Eole à Béziers et Nelly Jacquemus, directrice d’Intercamsp.
Des exemples concrets y sont décrits notamment avec des enfants en difficulté.
Jérôme Viollet
La méthode musicale O PASSO au service d’enfants et/ou d’adolescents en difficulté relationnelle.
Récit d’une approche d’apprentissage de la méthode musicale O PASSO et PRE O PASSO
appliquée auprès de six adolescents, déficients intellectuels.
Marie-Ange DIERT, Monitrice éducatrice Nelly A. JACQUEMUS, Accompagnatrice RH, Jérôme VIOLLET, Musicien et pédagogue.
Résumé
Dans les soins éducatifs délivrés aux enfants et aux adolescents déficients ou porteurs de handicap, il arrive parfois que les troubles relationnels présentés par certains, nécessitent des dispositifs hors des sentiers battus. Lucas CIAVATTA, titulaire d’un Master en Education, a créé en 1996 une méthode d’enseignement musical « O Passo » et une déclinaison visant plus spécifiquement le travail musical en collectif « O Pré Passo ». Cette dernière, dans son adaptation pour enfant, nous a paru un dispositif original pouvant être transposé aux techniques éducatives spécialisées. Nous tenons à préciser que si les racines de la méthode se trouvent dans la musique, elle est, toutefois, à distinguer de la musicothérapie. En effet, nous ne situons pas notre travail dans (le champ de la psychothérapie) la thérapie au sens Freudien, mais dans le champ de l’éducation et plus spécifiquement dans l’éducation spécialisée.
Dans notre étude, l’adaptation de cette méthode a été appliquée pendant plusieurs mois auprès d’enfants et adolescents présentant des troubles de développement complexes tels que retards (intellectuels intriqués à des troubles de l’attention, de la concentration et/ou du comportement. Il nous parait intéressant aujourd’hui de présenter et de partager ce travail pour promouvoir la créativité dans le soin médico-social éducatif.
Mots clés : O Passo – O Pré Passo – Créativité du soin – Education – Innovation.
Monitrice éducatrice au SESSAD Eole de Béziers depuis dix années, les missions qui me sont confiées visent à proposer des suivis éducatifs personnalisés en lien avec le soin paramédical et/ou psychologique apporté aux enfants, sous la responsabilité du chef et du médecin du service. Si mes actions se situent dans le champ de l’éducation spécialisée et se coordonnent à la pluridisciplinarité des soins, ce dont il s’agit ici est d’étudier le versant éducatif dans la construction de la relation à l’Autre. Nous nous situons donc dans une relation d’aide « un segment du guidage [ ] pour prendre en charge, ce qui permet à celui qui étaye, quand il est avec des « personnes carencées », de redonner ou même de donner les bases, les fondamentaux de la vie sociale » (Vial & Co, p. 15) dont il faut constamment cerner les limites pour adapter une « juste distance » (Fustier, 2011, pp. 10-19) afin de ne pallier qu’à la déficience de l’autre sans obstruer son pouvoir d’agir.
Les enfants qui me sont confiés peuvent présenter, des troubles relationnels et/ou des troubles du comportement, parfois associés à une déficience mentale légère. Pour autant, au sein de notre équipe soignante, nous partons du postulat que ces troubles cités ci-dessus, ne sont et ne doivent pas être ou devenir une entrave à la relation. Ainsi, pour ces enfants et adolescents porteurs de troubles du développement complexes, des dispositifs hors les sentiers battus sont parfois nécessaires.
Pour se faire, nous nous sommes tournés vers une méthode d’éducation musicale originale, créée par Lucas CIAVATTA, professeur au Conservatoire Brésilien de Musique et titulaire d’un Master en Education. Après notre expérience de plus de deux années avec ce dispositif adapté aux enfants en difficulté de développement, nous faisons le pari que cette méthode peut devenir un outil éducatif enrichissant ouvert sur des perspectives plus qu’intéressantes dans le domaine de la créativité du soin.
Nous proposons, dans un premier temps, de présenter la méthode de Lucas CIAVATTA puis, comment nous l’avons adaptée de façon singulière à chaque situation, avec le concours de Jérôme VIOLLET, musicien et référent de la méthode O Passo en France ; nous démontrerons quels en ont été les critères d’inclusion, les processus cognitifs mis en œuvre par l’enfant en les éclairant de vignettes autant que faire se peut. Enfin nous chercherons à analyser les résultats obtenus avec le soutien de Nelly A. JACQUEMUS, diplômée en Sciences Humaines et Sociales, mention Formation et Education, en nous appuyant sur des indicateurs mesurés en amont et en aval de la prise en charge. Notre conclusion s’ouvrira sur une perspective de formation des professionnels de la santé œuvrant dans le champ de l’enfant porteur de handicap et/ou en difficulté de développement.
Il est entendu que les prénoms des enfants ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.
Présentation de la méthode O PASSO ET O PRE PASSO
La genèse de la méthode O Passo
Lucas CIAVATTA, Brésilien, est musicien et titulaire d’un Master en Education. Après avoir constaté que plusieurs de ses élèves pouvaient jouer de la musique (en imitation et sans acquérir l’autonomie pour s’articuler à la musique ..)sans pourtant s’articuler à la musique du groupe, il crée en 1996 une méthode d’enseignement musical « O Passo ». Puis il développera un peu plus tard une déclinaison « O Pré Passo » préparant « O Passo » plus spécifiquement adaptée aux enfants pour apprendre à jouer dans un orchestre. Il crée et dirige l’Institut O Passo afin de transmettre cette technique, reconnue aujourd’hui par de nombreuses écoles musicales de par le monde, comme un apport tangible dans le processus d’enseignement et d’apprentissage de la musique. Il s’agit d’une pédagogie innovante, créée à partir de la culture musicale brésilienne, qui s’appuie sur les bases du rythme et du son mais avec la particularité d’y intégrer le corps comme fondement de l’apprentissage rythmique et musical. Basée sur un mouvement de marche spécifique, la méthode est orientée par « quatre piliers » : le corps, la représentation, le groupe et la culture. Ainsi, O Passo a introduit dans l’enseignement-apprentissage du rythme et du son de nouveaux concepts, tels position et espace musical ; de nouveaux outils, tels le mouvement (qui donne nom à la méthode) ainsi qu’un système de notations orales, corporelles et graphiques. Si la méthode permet de travailler le temps et ses subdivisions (contretemps, quart de temps… rythme ternaire), la marche, les chorégraphies, permettent d’en sentir la pulsation en impliquant tout le corps.
Ainsi, l’apprentissage permet d’aborder le rythme par le ressenti corporel ce qui en fait une méthode attractive et (ludique) attrayante, qui sublime la motivation du sujet, maintient son désir d’apprendre, favorisant ainsi la réussite et l’essor de ses compétences. Par ailleurs, par un effet collatéral observé, il y a renforcement de la confiance en soi. C’est cette combinaison qui nous intéressera particulièrement ici, en ce qu’elle a à voir avec la structuration psychocorporelle du sujet.
O Passo se décline en plusieurs séquences d’apprentissage, graduées crescendo en fonction de leur technicité :
Séquences |
Nombre d’exercices |
O Pré Passo |
4 |
O PASSO (et l’enseignement de la musique) |
6 |
Les pas d’O PASSO |
4 |
Feuilles d’O PASSO – Basiques |
7 |
Feuilles d’O PASSO – Avancées |
9 |
Les exercices d’O PASSO |
16 |
Feuilles de partition classique |
5 |
Feuilles de percussion |
7 |
Feuille de justesse |
3 |
Autres textes |
4 |
Nous concernant, seules les deux premières séquences de l’apprentissage ont été notre support de travail soit les 4 ateliers d’O Pré Passo et les deux premiers d’O Passo. Il est impératif de suivre la progression des ateliers qui ont été particulièrement travaillés par CIAVATTA dans un apprentissage progressif harmonieux. Cf. concept d’apprentissage. PPO
La séquence O Pré Passo
O Pré Passo est un module qui prépare O PASSO, pour pouvoir pratiquer une musique d’ensemble, « car il ne s’agit pas d’être à l’unisson mais d’être dans une pratique polyphonique » de la musique (Ciavatta, http://www.opasso.com.br/) . Basé, comme O Passo, sur un mouvement de marche, cet apprentissage demande à s’écouter et à écouter l’autre pour le prendre en compte tout en acquérant une autonomie et éviter la dépendance dans la musique ; Autrement dit, pour ne pas reproduire ce que fait l’autre musicien, mais jouer avec lui, en articulation avec lui. Il s’agit de ne pas écouter que soi, ne pas écouter que l’autre, mais de faire les deux choses en même temps pour mettre en place une interaction afin que le travail en groupe (orchestre) fonctionne en polyphonie.
Dans O Pré Passo, il y a quatre ateliers basés sur une marche de déambulation en groupe et/ou par deux.
MARCHER ENSEMBLE
Sans parcours ou vitesse définie, les deux élèves de chaque paire doivent essayer de marcher ensemble (autrement dit : « Le même pied, en même temps ! ») ; puis, l’un des élèves prend le rôle de leader, l’autre du « suiveur ». Le leader doit varier sa manière de marcher, et le suiveur doit essayer marcher de la même manière. S’il y a un côté ludique de cet exercice, la rigueur reste présente, car le leader doit inventer des variantes qui puissent être reproduites (stimulation de la créativité), et le suiveur doit exercer sa capacité à s’adapter aux variantes proposées par le leader (stimulation de l’écoute). Ensuite, les deux élèves doivent intervertir les rôles, le leader devient le suiveur et vice-versa.
MARCHER ET JOUER ENSEMBLE
Les deux participants essayent à nouveau de marcher ensemble, mais cette fois-ci en suivant un parcours défini, en ligne droite. La deuxième différence est que chacun des deux élèves doit définir son pied fort et toujours commencer avec lui. Puis, dans une variante, les élèves sont invités à frapper des mains à chaque fois que le pied fort ou le pied faible touche le sol.
DOS AU CERCLE (SI EN GROUPE) OU DOS A DOS
Utilisé surtout dans les ateliers de groupe, les élèves, placé dos à dos, frappent des mains tous les quatre temps, avec puis sans l’aide du professeur. Cet exercice fait prendre conscience qu’une part importante des informations qui fait jouer ensemble de la musique est dans le regard, et non dans l’audition. Ecouter est fondamental mais voir l’est tout autant.
JOUER ENSEMBLE EN MARCHANT.
Cet exercice se déroule en deux phases : L’élève joue avec le professeur une série de frappes de mains régulières puis ce dernier improvise un rythme mais l’élève doit continuer sa frappe et rester concentrer sur son geste et son rythme sans se laisser distraire par les changements de l’environnement extérieur.
Séquence O Passo
O Passo est avant tout un outil pour construire des connaissances. Quel que soit le style de musique pratiqué, il n’est pas besoin d’avoir une base solide de rythme et justesse. C’est cette base que vise O Passo. Le mouvement est sans aucun doute la partie la plus importante de cette méthode. Avec un mouvement clair, il n’y a pas de limites à la compréhension. Sans un mouvement clair, le plus simple des rythmes restera toujours un défi.
Ainsi les enfants et les adolescents sont systématiquement invité à suivre le premier atelier : la feuille Nombre (temps), tandis que le deuxième, plus complexe car travaillant sur le rythme plus élaboré du contretemps ne sera proposé aux jeunes que s’ils ont consolidé les acquis du premier exercice.
LES « NUMEROS» (TEMPS)
L’identification de la position de chaque pas effectué est une notation corporelle : pied droit en avant, pied gauche en avant, pied droit en arrière, pied gauche en arrière.
Le pas doit être commencé avec le pied fort, les droitiers avec le droit, les gauchers avec le gauche. Un peu plus loin nous verrons les pas avec les mesures de trois, cinq et sept temps, et le pied avec lequel on commence n’aura plus d’importance, mais pour débuter il existe une différence réelle entre commencer avec un pied ou l’autre, et elle doit être respectée.
Le compte des pas est une notation orale (1, 2, 3, 4). Le travail sur la feuille Nombre (temps) permet de stimuler la concentration, l’observation, la mémorisation et la coordination pieds/mains/voix et yeux (pour la lecture). En effet, celui qui travaille cet exercice doit pouvoir marcher en carré, parler et frapper les temps, ligne par ligne. Alors que dans le travail en groupe, tous les participants doivent se coordonner pour ne former qu’un seul bruit de pied touchant le sol, qu’une seule frappe de mains, un seul son de voix …
LES « E » (CONTRETEMPS)
Le pas gagne en complexité en ajoutant deux autres références à celles précédemment acquises: la flexion simultanée des deux jambes et la tape sur la jambe qui se soulève, ou sur les deux jambes, au moment de cette flexion. L’action de fléchir les jambes aide à l’acquisition de la coordination geste/voix. Généralement, on considère la marche cadencée comme le mouvement de référence, mais celle-ci n’inclut pas la flexion des jambes, et c’est justement cette dernière, qui abaisse le centre de gravité à l’instant précis entre un pas et un autre, qui amène le corps à ressentir le contretemps. C’est par cette flexion que se réalise l’inscription corporelle du contretemps. Le soin apporté à l’aptitude à jouer et chanter est dû au fait que cette compétence amplifie considérablement la capacité d’écoute.
Les critères d’inclusion au programme
Pour certains enfants, la méthode a pour objectifs l’acceptation d’une démarche d’apprentissage car ce sont des enfants en échec et opposition scolaire. Et pour d’autres, nous utilisons les différents aspects de la méthode pour travailler la relation.
Entrer dans une démarche d’apprentissage, dépasser l’échec, accepter d’y entrer, persévérer, motivation, confiance en soi, sentiment de réussite, renforcement de l’estime de soi. Méthode très décomposée qui permet de passer la marche suivante, ils sentent leurs progrès.
Travail sur le regard et le non regard, prise en compte et utilisation des différents sens.
Idée de la prise de tours : affirmation de soi, adaptation à l’autre, prise en compte de l’autre, acceptation de règles communes.
Les dispositifs adaptés
Dispositif n°1
(Nous appellerons Maxime, l’enfant pour qui nous avons adapté O pré Passo.)
Maxime est l’ainé d’une fratrie de quatre et vit avec sa famille. Son admission au SESSAD, à l’âge de 10 ans, est motivée par des difficultés d’apprentissage au CM1 et des problèmes de comportement à l’école et au domicile. Maxime souffre de la maladie de Hunter, maladie génétique incidence sur symptôme.
Maxime a pris de l’autonomie sans agressivité
Maxime a une pathologie génétique qui développe chez lui une puberté précoce. Cela agit sur son caractère et majore ses difficultés de comportement.
Il peut se mettre en danger, s’immisce dans les conversations entre les adultes, a parfois du mal à accepter l’autorité et rencontre des difficultés à se concentrer. ses difficultés relationnelles avec ses pairs, malgré les tentatives d’intégration par l’enseignante, Maxime a peu de copains à l’école et aucun à l’extérieur. Par ailleurs, sa pathologie interdit la pratique de sports où il y a des risques de chutes ou de chocs
Une reproduction du rythme difficile.
Enfant agréable en relation duelle mais fatigable en dépit d’une bonne volonté manifeste. Les capacités attentionnelles et la concentration très fragiles. enfant désinhibé et impulsif, comportement qui le pénalise souvent dans diverses situations. Sa maitresse disait qu’il manquait d’autonomie en classe : ne peut travailler seul, avait toujours besoin de la présence de l’avs pour son travail scolaire.
Objectifs pour Maxime sont de calmer son impulsivité, maintenir une certaine lenteur, se contenir, et gagner en autonomie. Sa devise pourrait être : « je réussis quand je ne me précipite pas ».
Le protocole mis en place a été une séance par semaine de 30 à 45 minutes avec moi en unique intervenante.
Résultat au bout de 3 mois : Durant les premières séances, il disait souvent : « c’est difficile ». Par la suite il a pu rajouter : « mais je veux faire tout seul ».
Nous avons pu objectiver une amélioration notable : citer tout ce qu’il a amélioré … Maxime a déménagé et nous ne pouvons poursuivre ce travail avec lui.
auprès de Clémence
En mettant les exercices en place auprès de deux adolescentes, nous nous sommes aperçues qu’un effet collatéral, et non des moindres, était travailler corrélativement avec elles et de façon concrète leurs conflits, leur relation à l’autre, affiner leur perception de l’autre. C’est un support qui les aide à mieux décrypter les codes sociaux, aller vers une affirmation de soi sans ostentation et de façon plus adaptée, à se décentrer dans une posture moins égocentrée
J’ai commencé à intégrer O PASSO dans mes prises en charge en mars 2015 auprès d’une jeune fille Clémence âgée alors de 13 ans et en deuxième année d’ULIS Collège.
Clémence, a bénéficié d’une prise en charge O PASSO en individuel de mars à décembre 2015. En binôme de janvier à juin 2016 avec Tess qui se poursuit.
Clémence est une jeune qui avait et qui a encore des difficultés à entrer et rester en relation avec ses pairs. Elle a du mal à se positionner, à s’affirmer. Elle faiblit vite devant plus audacieux qu’elle. Par contre, devant un plus faible, elle peut devenir « bourreau ». Sur le plan scolaire Clémence n’arrivait pas à se mettre au travail, balayant tout ce qui lui demandait un effort intellectuel.
Avec le début de O PASSO, une implication de Clémence dans le travail scolaire a été constatée par son professeur ainsi qu’une présence plus affirmée dans le groupe d’adolescents du SESSAD. Est-ce un hasard ou bien O PASSO en permettant à Clémence d’être dans une forme de réussite a-t-il permis l’émergence d’une confiance en soi ? Car Clémence avec le module NUMEROS (temps) a rapidement eu du plaisir à faire et à réussir.
En janvier 2015, j’ai proposé à Tess, une jeune fille de 13 ans, scolarisée dans la même classe qu’Océane de former un binôme avec elle afin que l’une stimule l’autre.
Un extrait du PPA de Tess janvier 2015 :
Actuellement, Tess est en 3° année d’ULIS. Cette adaptation lui permet de progresser à son rythme, ses difficultés touchent particulièrement la sphère du langage et de la compréhension. Elle est encore régulièrement reprise pour son comportement inadapté avec ses pairs. Elle reste vulnérable par manque d’acquisitions des règles de vie sociale et manque de compréhension des limites.
Comme Clémence connaissait déjà la méthode O PASSO, je me suis dit que forte d’une nouvelle assurance pouvait entrainer Tess dans son élan.
Je me suis rapidement retrouvée à court d’apports ludiques pour rendre le travail O PASSO plus léger, plus agréable, et plus facile. De plus j’avais en tête de travailler aussi avec des enfants plus jeunes et j’avais remarqué que Clémence commençait à saturer à toujours faire la même chose. J’ai demandé à Jérôme VIOLLET de me donner des idées de jeux musicaux. Il m’a parlé de O PRE PASSO et de la possibilité de pouvoir y être initiée par Lucas lors de sa venue en France (novembre 2015).
Ne pas penser qu’on peut améliorer la relation, mais travailler avec l’idée de leur donner des outils pour mieux gérer leur relation.
J’ai identifié un refus d’apprentissage mais en travaillant ça, plus important étaient les problèmes relationnels. Donc j’ai utilisé O PRE PASSO pour travailler de façon plus spécifique leurs capacités relationnelles.
C’est avec elles que j’ai découvert la richesse de O PRE PASSO et O PASSO.
Le binôme a commencé en janvier 2016 avec le module O PRE PASSO. Dès les premiers exercices, je me suis rendue compte que je pouvais travailler la relation à l’autre, la prise en compte de l’autre, l’affirmation de soi et l’autonomie. C’est au travers des exercices de O PRE PASSO (marcher ensemble, marcher ensemble et les positions guideur/suiveur… que j’ai pu reprendre avec Tess et Clémence les notions de respect, des situations de conflits entre elles deux ou avec leurs camarades. Cela m’a permis de rendre concrètes pour elles, les explications sur les notions de prise en compte de l’autre, écouter l’autre :
« Je marche du même pas que toi, je suis guideur mais lorsque j’opère un changement de rythme, je le fais de façon à ne pas te surprendre, je fais attention à toi et reste à ta portée. Je suis suiveur, je respecte le rythme que tu donnes à la marche mais à certains moments, j’ose sans brusquerie prendre la main pour être guideur, tu me laisses la place. Nous sommes dans un respect mutuel et un partage des rôles, des positions.
Au bout de quelques semaines, nous sommes passées à O PASSO, déjà connu pour Clémence et nouvelle façon de travailler pour Tess.
Je reprends régulièrement O PRE PASSO par séquence d’un quart d’heure, essentiellement avec l’exercice « marcher ensemble » avec un guideur, un suiveur. Quand je ne vois plus qui guide et qui suit, je demande à l’une de frapper un rythme de son choix, et à l’autre de frapper soit le pied fort, soit le pied faible. Ensuite elles inversent… ça prend un quart d’heure et nous enchainons avec O PASSO). Ça me permet de rappeler à Tess qu’elle ne doit pas rester en retrait et subir la loi de Clémence, et ainsi repositionner Clémence dans une affirmation de soi sans domination, une affirmation qui a conscience de l’autre et qui tient compte de l’autre, dans la bienveillance. Clémence qui est vulnérable car influençable, est souvent maladroite quand elle se positionne en tant que guideur, comme grisée par cette position inhabituelle et difficile pour elle.
Pour ces deux jeunes filles qui ont des difficultés d’ajustement relationnel, O PRE PASSO est un bon médiateur, et aussi un bon passeur puisqu’il prépare O PASSO qui lui-même permet de travailler toutes les fonctions de base nécessaires aux apprentissages scolaires et autres.
De plus avec O PASSO et comme je l’espérais, j’ai vu des capacités et compétences émerger chez Tess comme cela s’était produit l’année précédente avec Clémence. Mais c’est en juin alors que Clémence a été absente à trois séances de travail, que Tes m’a surprise. Elle a été très performante sur le module NUMEROS (temps). Elle est arrivée à coordonner les pieds, les frappes des mains, la lecture de la feuille pour réaliser l’exercice, tout en chantant une chanson, alors qu’en classe, elle dit ne pas pouvoir retenir une poésie, une leçon !
Quand j’observe l’évolution de Clémence, il y a un avant et un après O PASSO. Je serai tentée de dire qu’O PASSO est un outil qui a participé à l’ouverture de Clémence aux apprentissages scolaires. Je ne peux pas encore en dire autant pour Tess, mais je connais mieux maintenant ces capacités puisque révélées au travers des exercices de coordination O PASSO.
Un professeur de musique a écrit : « il faut forcer le geste dans un premier temps s’il ne vient pas naturellement, pour proposer l’image au cerveau qui se l’approprie. Ensuite, on peut demander à l’élève de se détendre ».
C’est ce que j’ai fait avec Clémence et ensuite avec les autres enfants, j’ai forcé le geste… ça a permis l’effort attentionnel et peut-être impulsé une forme de persévérance.
Forte de ces observations et des résultats obtenus, j’ai décidé d’utiliser O PRE PASSO dès le mois de mars dernier auprès d’enfants plus jeunes, certains plus déficients et présentant également une psychorigidité et/ou très centrés sur eux-mêmes avec pour l’un d’eux des troubles psychologiques entrainant bien sur des troubles de la relation (des comportements inadaptés en société).
Maxime, Noël, Bastien et Ismaël ont été choisi pour leur coté centré sur eux-mêmes, manque d’affect envers l’autre, manque d’intérêt pour les apprentissages scolaires, manque d’autonomie.
Extrait du PPA de Maxime :
Maxime a été adressé au SESSAD Éole par le CAMSP de Béziers pour des difficultés d’apprentissage et de comportement à l’école et au domicile.
Maxime a une pathologie génétique qui développe chez lui une puberté précoce. Cela agit sur son caractère et majore ses difficultés de comportement.
Il peut se mettre en danger, s’immisce dans les conversations entre les adultes, a parfois du mal à accepter l’autorité et rencontre des difficultés à se concentrer. Actuellement scolarisé au CM1, il bénéficie de la présence d’une AVS, 9h par semaine. Il semble avoir un peu amélioré son comportement (il est suivi par le Dr Blanchard depuis janvier 2015) mais il reste en difficulté sur le plan scolaire. Du fait de ses difficultés relationnelles avec ses pairs, malgré les tentatives d’intégration par l’enseignante, Maxime a peu de copains à l’école et aucun à l’extérieur. Par ailleurs, sa pathologie interdit la pratique de sports où il y a des risques de chutes ou de chocs.
Une reproduction du rythme difficile.
Enfant agréable en relation duelle mais fatigable en dépit d’une bonne volonté manifeste. Les capacités attentionnelles et la concentration très fragiles.
Maxime est un enfant désinhibé et impulsif, comportement qui le pénalise souvent dans diverses situations. Avec cette méthode, il doit calmer son impulsivité, maintenir une certaine lenteur, se contenir. Sa devise pourrait être : « je réussis quand je ne me précipite pas ». Durant les premières séances, il disait souvent : « c’est difficile ». Par la suite il a pu rajouter : « mais je veux faire tout seul ». À noter que la maitresse dit qu’en classe, il n’est pas autonome. Il ne reste plus qu’à l’encourager pour que cette envie d’autonomie apparaisse aussi lors d’apprentissages scolaires.
Extrait du dossier de Noêl :
Le groupe est une configuration douloureuse pour Noah. Il y porte peu d’intérêt, il ne sait pas se situer en collectif.
Même si le groupe n’est pas une réussite pour lui, il en entend les exigences et les limites et s’emploie du mieux qu’il peut à répondre aux attentes des professionnels.
A l’école, Noah est toujours seul dans la cour. Il longe les murs et parle avec lui-même. L’AVS dit : « il est dans son monde, mais n’a pas l’air malheureux ».
Quand il a des interactions avec les autres c’est toujours de l’ordre du conflit. Il se sent très souvent persécuté, croit qu’on se moque de lui.
Noël est porteur d’une déficience intellectuelle avec troubles psychologiques (sentiment de
persécution…). Il a du mal à intégrer les règles collectives et les codes sociaux. Il a besoin
d’aide dans la gestion de la frustration et de l’échec.
Mes objectifs avec O PRE PASSO sont de l’aider à se décentrer, à modeler et assouplir son
côté psychorigide. Lui permettre de faire du lien avec les situations vécues dans la vie
quotidienne en espérant que cela contribuera à trouver sa juste place dans un groupe et réagir de façon plus adaptée dans différentes situations
La méthode a modifié mon regard sur lui. J’ai noté qu’il avait plus de compétences et de capacités que ce que j’avais observé jusque-là. Pour mettre Noël au travail, il suffit de le mettre dans des conditions d’apprentissages qui lui conviennent, pas accès directement sur l’intellect (comme pour beaucoup d’enfants en situation d’échec). Le travail ensuite est de trouver comment l’aider à maintenir ce comportement en groupe parmi ses pairs. Nous travaillons dans ce sens la psychomotricienne cette année. Il aurait été intéressant de tenter l’année prochaine un O PRE PASSO en binôme, mais Noël va intégrer un IME début 2017.
Capable de se concentrer mais concentration assez aléatoire. A fait des demandes à MAD
Toujours agressivité, agitation motrice
Ce qui est inquiétant, est ce côté dissocié
En groupe au SESSAD, accapare l’adulte, jaloux des autres
Capable de suivre un groupe (ne s’enfuit pas)
Comportement un peu « animal » par moment. Se met dans cette posture
A des pulsions sexuelles. Est pubère. Est dans l’excitation quand sa mère arrive. Notion d’intimité est quand même présente.
Avec Bastien qui présente des troubles à spectre autistique, j’ai pu renouer le lien après des actes violents de sa part sur moi et un arrêt des prises en charge. Ce travail demandé avec des consignes relativement simples (au préalable…) pouvant être menées en mouvement (pas assis à une table face à face ou côte à côte), à une certaine distance physique, dans un « faire avec », contenu à la voix, nous a convenu à tous les deux. C’est un travail loin des apprentissages scolaires. Mais il peut être un préalable à la mise en place ou un maintien d’une forme de relation pour aller vers apprentissages. Surtout qu’il est difficile pour Bastien de les aborder avec une autre personne que son instituteur et en dehors de la classe.
Bastien a accepté tous les exercices proposés. Il a fait beaucoup d’efforts de concentration pour les exécuter au mieux, en se reprenant chaque fois qu’il le pouvait. Il a également bien géré ses émotions, ses pulsions de violence (il mimait des coups de feu mais sans me viser…), bien contenu par le médiateur PRE O PASSO. Les derniers exercices se sont fait en face à face avec moi ou côte à côte ma main posée sur son épaule.
Extrait de la synthèse d’Ismaël juillet 2016 :
Distractible
Logorrhéique avec des questions sans cesse dont il n’écoute pas les réponses
Commence à gagner en maturité = essaie d’être autonome, est dans l’imitation (PM= évo positive) = sinon est dans la toute puissance
Avec l’adulte, essaie toujours de remettre en cause la relation
Mensonges
Attitude de prestance
En juin : MAD a demandé PEC au SESSAD (1trajet SESSAD, 1 Mme)
= essai de rendre ludique le soutien des apprentissages scolaires = Travail fiches scol GSM = pas en réussite
N’a jamais envie de travailler, n’y trouve aucun intérêt, ne demande qu’à jouer.
Grosses difficultés attentionnelles
Obj : mise au travail, respect de la consigne, et que Mahé découvre le plaisir de faire
Ismaël, porteur d’une maladie génétique associée à une déficience intellectuelle, n’a fait que trois séances de vingt minutes. C’est un enfant qui n’a pas du tout pu entrer dans la méthode, la demande de concentration était trop importante pour lui. Il reconnait l’autorité de l’adulte et peut respecter les consignes, mais c’est un travail de rappel permanent et il manifeste bien en soufflant et boudant son manque d’intérêt ou de compréhension. C’est un enfant qui semble ne pas avoir de notion d’effort, immature.
Conclusion des séances individuelles et en binôme :
PRE O PASSO me permet de faire des observations sur le comportement et certaines attitudes que peuvent adopter les enfants (enfants trop centrés sur eux-mêmes par exemple) dans des situations déterminées (entre eux, avec un adulte, un intervenant, en groupe…. et ainsi de les aider à réajuster leur relation à l’autre.
O PASSO me permet de stimuler chez les jeunes l’observation, la concentration et l’écoute, la mémorisation et la restitution au travers d’un travail de coordination pieds/mains/voix et lecture qui me semble être pour eux, un travail de funambule. Le côté ludique de la méthode aide à la persévérance.
Entre temps, avec les psychomotriciennes, intéressées par la méthode et ce qu’elle leur permet d’observer, nous avons proposé aux enfants et adolescents du SESSAD durant les vacances scolaires, des ateliers en groupe, O PASSO et PRE O PASSO. L’année dernière, les ateliers uniquement proposés aux adolescents étaient animés par une psychomotricienne et moi.
Et cette année, nous avons pu financer l’intervention de Jérôme VIOLLET pour étayer les prestations avec son expérience mais aussi pour nous donner de nouvelles idées pour rendre plus attractifs ces ateliers qui sous un jour purement technique, peuvent devenir rébarbatifs. Il y a eu deux ateliers, un pour les adolescents et un autre pour des enfants plus jeunes, les « 8 – 11 ans ».
Jérôme VIOLLET a ouvert les ateliers en évoquant une autre dimension du rythme : Nous avons parlé du rythme, de ce qui pouvait faire penser au rythme dans la nature : le jour, la nuit, les vagues et les marées. Il a essayé de leur faire prendre conscience que le rythme ne vient pas de la musique, il vient de plus loin, il est universel. Ça leur a permis d’aborder la notion d’être ensemble et de faire du lien entre les choses.
Son intervention a amené un côté plus ludique, plus léger à l’atelier, et une contenance car avec son expérience, il dégageait de l’assurance. Et c’était un homme !
Des propositions de formation professionnelles individuelles ou en groupe, nous ont été proposées par Jérôme VIOLLET avec les objectifs spécifiques suivants :
soutien dans l’acquisition et le maintien d’une posture équilibrée face à des pairs dans une juste affirmation de soi. Aller vers plus d’autonomie
Exercices Pre Passo :
Objectif général de la formation O Passo (modules NUMEROS (temps et contretemps) :
– Familiariser les participants avec les principes, concepts, outils et compétences travaillées dans la méthode d’éducation musicale O Passo.
Objectifs spécifiques que permet d’atteindre O PASSO et ses modules avec notre public:
Prêter attention à l’individu, au groupe, puis à l’écoute de l’autre et au dialogue qui en résulte
Développer la latéralisation, l’équilibre, et à partir de cela la notion de régularité (pulsation)
Mettre en évidence le corps en tant qu’outil fondamental dans le processus d’enseignement et d’apprentissage
*Au travers de la méthode d’Education Musicale O PASSO, stimuler observation, concentration, mémorisation, restitution. Prendre gout à l’effort et la réussite.
Exercices O Passo :
Il me semble qu’avec l’équipe du SESSAD, cet outil permet un partage de l’observation et la mise en place d’une prise en charge pluridisciplinaire cohérente (notamment avec les psychomotriciennes) de travailler de façon plus ciblée, plus spécifique.
Mon ressenti : je suis très satisfaire d’avoir découvert cette méthode qui est pour moi un médiateur avec lequel je m’épanouis professionnellement. Je peux m’y appuyer pour des observations éducatives. Elle me permet de voir rapidement certains aspect du fonctionnement des enfants, de pouvoir aider au réajustement et les amener d’une manière plus ludique, moins classique (moins ennuyeuse ?), vers les apprentissages.
Un petit pas de côté hors des sentiers battus…
Bibliographie
Ardoino, J., 2000, Les avatars de l’éducation, Paris, Ed. PUF
Fustier, P., 2011, Le lien d’accompagnement, entre don et contrat salarial, (1ère Ed. 2000)
Paris, Dunot
Lévy, S. M., article, Le nom de la revue, Lieu, Ed., pp. 25-65
Vial, M., Mamy Rahaga, A., Tellini, A., (2013), Accompagnateur en RH, Bruxelles, Ed. De Boerk