Il m’est souvent posé la question, au cours des divers stages et formations O Passo que je donne, de la place du métronome dans l’apprentissage de la musique et notamment de la pulsation.
Si j’ai déjà parlé de sa bonne utilisation dans un article précédent (voir « la bonne utilisation du métronome »), Arnould Massart met en lumière de façon très documentée, la nécessité de s’appuyer sur la marche pour acquérir la notion de régularité de la pulsation.
Jérôme Viollet
Réflexions mesurées par Arnould Massart.
Le métronome ou la marche? Qui nous donne la pulsation?
C’est en 1816 que Maëlzel breveta le métronome.
Eurêka ! Le temps musical atteignait enn la précision mathématique ! Fini les vieilles approximations accompagnant les Largo, les Andante, les Vivace qui donnaient lieu à d’interminables débats entre musiciens. Désormais, le tempo serait un phénomène objectivable, indiscutable, car il correspondrait invariablement à un chiffre sur l’échelle métronomique. Et le battement par minute de s’imposer comme le nouvel étalon à partir duquel chaque sensation rythmique allait devenir communicable.
Les compositeurs se réjouirent. Ils étaient maintenant en mesure de noter sur leurs partitions le tempo dénissant exactement la vitesse d’exécution souhaitée. Voilà bien un paramètre qui n’échapperait plus à leur contrôle et dont ils n’auraient plus à se plaindre ! De leur côté, les interprètes disposaient, eux aussi, d’un moyen infaillible de se souvenir du tempo optimal d’exécution de telle ou telle œuvre du passé. Plus besoin de chanter dans sa tête l’un ou l’autre passage pour en découvrir le tempo qui convient ; au diable ces longues et fastidieuses secondes de concentration avant de jouer la première note. On lance le métronome, et hop ! on a tout de suite le bon tempo.
Quel progrès ! Et n’oublions pas le soulagement de tous ces pédagogues obligés à longueur de journée de battre du pied ou de frapper des mains en cadence pour inculquer à leurs poussifs élèves une pulsation régulière. Et l’apaisement de ces derniers d’avoir le loisir de s’entraîner à accroître leur vélocité instrumentale dans la quiétude de leur chambrette en se xant des buts précis. Et la erté de se savoir capable d’aligner une volée de doubles-croches à un tempo de 196 à la noire…
Le bon tempo
Très vite, cependant, les compositeurs désenchantèrent.
Il seyait mal aux chefs d’orchestre de déclencher leur métronome juste avant de donner le premier coup de baguette d’une œuvre et, souvent, le tempo qu’ils imposaient à l’orchestre ne correspondait pas au sentiment intime du compositeur ce soir-là. Il s’ensuivait des altercations entre les protagonistes allant parfois jusqu’à des dés face au métronome – arbitre suprême. Et il n’était pas rare que tel chef d’orchestre trouvât quelque sadique consolation dans le fait que le compositeur lui-même ne chantait pas le tempo qu’il avait indiqué.
Les maîtres de musique, eux aussi, connurent des périodes de découragement. Car si leurs élèves les plus zélés s’appliquaient à suivre scrupuleusement les battements du métronome dans leurs interprétations, d’aucuns se trouvaient bien dépourvus dès que celui-ci s’arrêtait. On aurait dit des petits soldats qui ne pouvaient plus marcher au pas, sitôt que le sergent cessait de crier « Gauche ! Droite ! ».
Perversion de l’innovation technologique : le métronome était devenu un objet dont on ne pouvait plus se passer. Impensable pourtant d’envisager un récital de piano avec métronome ou de concevoir un Concerto brandebourgeois bardé de battements mécaniques réguliers. Il fallait se débarrasser de cette béquille ! Mais comment faire ? Finalement, la présence du métronome n’avait rien résolu. Le problème du « bon » tempo, la question de la régularité non assistée demeuraient. Le musicien en était réduit à trouver une nouvelle fois en lui-même la réponse à ces questions.
Pourtant, de l’Antiquité au XVIIIe siècle, de nombreux savants avaient déjà observé les propriétés rythmiques de la physiologie humaine. Certains en avaient même fait le fondement de leur théorie.
Pour les uns, le tempo s’élaborait sur la base des battements cardiaques. Pour d’autres, c’est le pas de l’homme qui était déterminant. Quelle que soit leur option choisie, ils s’accordaient pour afrmer que ces phénomènes périodiques dénissaient une valeur de référence dont dérivaient ensuite toutes les autres valeurs selon des proportions données. Ces théories, bien que relativement pratiques, n’en demeuraient pas moins fort discutables vu l’ampleur des variations inter- et intra- individuelles que connaissait la valeur de référence. Lerythme cardiaque moyen d’un individu stressé diverge souvent considérablement de celui d’un sportif de haut niveau, comme la vitesse des pas d’une petite dame d’un mètre cinquante-deux n’a pas de commune mesure avec celle d’un escogriffe de deux mètres quatre. L’intuition des théoriciens des siècles passés n’était-elle qu’une chimère ? Ou bien avaient-ils, inconsciemment, mis le doigt sur un des piliers de notre expérience rythmique en tentant de donner une réponse à la délicate question du tempo ?
Aujourd’hui, le formidable essor des neurosciences lié au développement des techniques d’imagerie nous permet d’investiguer l’origine de nos aptitudes rythmiques en profondeur. On peut maintenant découvrir, presque en temps réel, sur un écran d’ordinateur, les zones du cerveau impliquées dans la réalisation d’une tâche donnée. Mais le rythme demeure un phénomène mystérieux, difcile à cerner, surtout dans ses rapports avec la musique. Et tous les scientiques ne s’avèrent pas mélomanes avertis. Si bien que les recherches contemporaines sont encore loin de rendre compte d’un vaste pan de vécus familiers à beaucoup de musiciens. Elles contribuent, néanmoins, chacune à lever un petit coin du voile qui masque encore cette réalité, pourtant quotidienne.
Programmés à marcher
À la lumière des découvertes contemporaines et de notre propre conscience rythmique, nous allons tenter de montrer combien le phénomène de la marche est déterminant dans la perception et la production des rythmes musicaux. Bien plus que les battements cardiaques, il représente, à notre avis, la référence sensorielle fondatrice dont dérivent notre sens du tempo et des valeurs qui s’y associent.
Le petit d’homme naît avec le réexe de marche. Il suft de poser les pieds de n’importe quel nouveau-né de quelques minutes sur une surface horizontale pour s’en rendre compte : l’homme est génétiquement programmé à marcher. Mais, contrairement à d’autres mammifères, il est totalement incapable de le faire à la naissance. Pour y arriver, il lui faudra des mois d’apprentissage. C’est que pour marcher, il ne suft pas seulement de poser un pied devant l’autre…
Ce réexe locomoteur est partagé par toutes les espèces animales. L’animal a besoin de se déplacer, tant pour trouver sa nourriture que pour échapper au danger ou pour se chercher un partenaire. À ces ns, la Vie a inventé diverses formes de locomotion comme la nage, la marche, le vol, le rampement, voire le sautillement ou la reptation.
Toutes ces activités motrices sont rythmiques.
Déjà un être aussi primitif que la méduse se meut par une série d’impulsions successives résultant de l’activation de cellules contractiles. An d’assurer leur synchronisation, ces cellules sont reliées à un circuit nerveux central doté d’un oscillateur interne. On a pu observer expérimentalement que cet oscillateur continue de générer des impulsions même lorsqu’il est isolé de l’animal. La méduse doit donc l’efcacité de sa locomotion à l’action d’une horloge biologique interne fonctionnant de manière autonome.
Mais ce système primitif ne suft plus dès que la complexité de l’animal augmente. Très vite, le système central a besoin de connaître la position de l’animal pour coordonner efcacement ses mouvements. La force fournie par les pattes d’un lézard qui rampe, par exemple, ne saurait être la même selon que l’animal se trouve sur une surface horizontale ou verticale, plane ou accidentée.
Pour pouvoir adapter ses commandes, le système central a besoin d’être informé de l’état de tension des tendons et des muscles moteurs. Si les instructions envoyées aux pattes ne sont pas ajustées à la position de l’animal, il risque de progresser de manière inopérante. Ce type de feedback sensoriel est d’autant plus important que le corps est éloigné du sol, car dans ce cas, les membres ne remplissent plus seulement un rôle locomoteur mais également un rôle postural : l’animal tient debout grâce au jeu des forces exercées par les muscles des pattes. Dès qu’il se met en mouvement, son système nerveux assure tout à la fois la coordination de ses muscles locomoteurs comme le maintien de son équilibre.
De son côté, notre oscillateur central a, lui aussi, besoin d’être secondé. Chez un quadrupède, il n’est plus possible, comme c’était le cas pour la méduse, d’envoyer simultanément un inux nerveux à toutes les cellules contractiles. Il en résulterait une espèce de spasme musculaire généralisé. Toute une série de sous-oscillateurs est requise pour envoyer, au bon moment, l’impulsion nécessaire à chaque muscle, de manière à ce que les membres de l’animal se coordonnent en une séquence de marche, de trot ou de galop. Et ceci sans oublier le feedback sensoriel qui viendra moduler toutes ces commandes en fonction de la position des segments corporels de l’animal.
Voilà donc notre animal capable de se déplacer sans chuter – un peu comme un automate. Mais comment va-t-il s’y prendre pour éviter un obstacle qui se trouveraitsur son chemin ? Il faut impérativement que son système locomoteur soit tenu au courant de la présence de celui-ci
an qu’il puisse le contourner. C’est là qu’interviennent les commandes supérieures. Une fois que l’œil aura perçu l’obstacle, l’information sera traitée par le cerveau pour en arriver à ce que le cortex moteur donne l’ordre de tourner à droite ou à gauche, de sauter ou de se baisser. Nos oscillateurs secondaires vont alors adapter les impulsions qu’ils envoient aux muscles des pattes pour que l’animal modie sa trajectoire. Mais si l’obstacle a été découvert au dernier moment, il faut faire vite ! Ce sera le rôle d’un autre complexe nerveux appelé formation réticulée d’activer le système locomoteur dans une proportion adaptée au besoin.
Que dire maintenant de la locomotion humaine ?
Bipèdes depuis la nuit des temps
À côté des facultés langagières, l’attitude érigée est un destraits essentiels de l’espèce humaine. Il semble d’ailleurs que les deux soient liés : nombre de chercheurs s’entendent aujourd’hui pour afrmer que l’émergence du langage est associée à la manipulation d’objets, cette dernière n’ayant été possible que grâce à la libération des mains engendrée par la bipédie. L’homme, ou son ancêtre, marcherait depuis trois millions d’années…
Étant donné sa station, l’être humain doit posséder un système de gestion de l’équilibre beaucoup plus performant que les quadrupèdes. C’est que la verticalité impose une résistance permanente aux forces gravitationnelles qui nécessite un réajustement continu. Il nous est en effet impossible de rester debout sans bouger. Nos muscles posturaux interviennent à chaque instant pour rééquilibrer notre corps. Par ailleurs, la libération des membres antérieurs découlant de la bipédie offre une mobilité et une indépendance à toute la partie supérieure du corps qui requiert une gestion neurologique particulière. Même si pendant la marche, le balancement naturel des bras chez l’homme rappelle encore un peu la séquence des membres chez les quadrupèdes, celui-ci a la faculté d’exécuter avec ses bras des mouvements tout à fait indépendants de la cadence de ses pas. Pensons aux joueurs de basket-ball, aux jongleurs, aux danseurs…
Plusieurs niveaux de coordination sont ici nécessaires, car un même oscillateur ne peut commander, et la synchronisation des membres inférieurs, et celle des membres supérieurs. Il faudra qu’un agent situé en amont évalue la marge de manœuvre tolérable pour chaque système dans les limites de l’équilibre, tout en veillant à éviter qu’ils ne se parasitent l’un l’autre.
Deux unités fonctionnelles déjà présentes chez les autres mammifères vont connaître un développement particulier chez l’homme : le cervelet et le système vestibulaire.
Le cervelet est responsable des coordinations intersegmentaires. Instance supérieure du contrôle temporel de la commande musculaire, il est impliqué dans l’acquisition de nouvelles habiletés motrices et intervient aussi dans les fonctions d’apprentissage et de mémorisation. À ces ns, il dispose d’un système de mesure du temps qui permet de distribuer les commandes à intervalles précis. Ainsi permet-il, par exemple, au joueur de tennis, non seulement d’analyser les signaux visuels pour calculer la vitesse de déplacement de la balle, mais aussi d’ajuster en conséquence ses mouvements du point de vue de la précision du geste, de son rythme, de la posture et de l’équilibre.
Le cervelet posséderait donc, lui aussi, plusieurs superoscillateurs interconnectés.
De son côté, le système vestibulaire est un véritable centre d’intégration sensori-motrice. Travaillant en étroite collaboration avec le cervelet et les autres systèmes mentionnés plus haut, il traite conjointement les informations provenant des muscles, des tendons, de la plante des pieds, des yeux et de l’oreille interne. C’est lui, par exemple, qui coordonne l’action des muscles du cou et le mouvement des yeux de manière à ce que l’image de notre environnement demeure stable alors que notre tête bouge. C’est lui aussi qui, au-delà des signaux expédiés par nos organes moteurs, adapte notre posture à la position de notre tête vis-à-vis de l’axe gravitationnel. Déjà à maturité chez le fœtus de cinq mois, c’est lui enn qui envoie en permanence des décharges à notre formation réticulée lorsque nous sommes en mouvement.
Examinons d’un peu plus près le dispositif qui détecte l’orientation de notre tête. Il s’agit d’un ensemble de récepteurs sensoriels situés dans l’oreille interne qui captent nos déplacements dans les trois plans de l’espace.
Le saccule et l’utricule réagissent aux mouvements verticaux et horizontaux alors que les canaux semi-circulaires répondent aux mouvements de rotation. Ces organes sont responsables des sensations particulières que nous connaissons, par exemple, dans un ascenseur, lors d’un décol-
lage d’avion ou quand nous exécutons des pirouettes. Au moindre mouvement du corps – et donc de la tête –, ils sont sollicités et induisent, via le système vestibulaire, une réaction immédiate d’équilibrage.
Et ça marche tout seul!
Après ce rapide tour d’horizon, il apparaît clairement que la locomotion est un système extrêmement complexe qui fonctionne de manière quasi autonome. Une série d’oscillateurs interconnectés envoyant et recevant des informations à travers diverses boucles de rétroaction font que le système marche, pour ainsi dire, tout seul. Il ne s’agit pas ici de nier la volonté ou la prise de décision. Celles-ci interviennent, certes, pour donner l’ordre au système de se mettre en route selon certaines modalités, mais elles ne gèrent pas l’organisation interne de la locomotion proprement dite. Personne n’a en effet besoin de penser lequel des deux pieds mettre en avant pour être capable de marcher ; cela se fait tout seul. Et d’ailleurs, mis à part les spécialistes en la matière, aucun être humain n’est conscient de la structure temporelle de sa démarche.
On dénit généralement le cycle de la marche comme l’intervalle de temps ou la séquence de mouvements compris entre deux contacts talonniers successifs du même pied. Ce cycle est, à son tour, divisé en deux étapes : la phase d’appui (la période pendant laquelle le pied touche le sol) et la phase d’oscillation (la période pendant laquelle il quitte le sol). La phase d’appui représente plus ou moins 60 % de la durée totale du cycle de sorte que le rapport entre les deux phases est de 3:2. Bien sûr, les cycles des deux pieds sont décalés l’un part rapport à l’autre. La marche humaine fait intervenir toute une série de muscles aux fonctions diverses. On distingue les amortisseurs d’impact, les stabilisateurs, les élévateurs du pied, les accélérateurs, les extenseurs du pied et les ralentisseurs. Tous ces groupes musculaires opèrent à un moment précis du cycle selon une séquence minutieusement orchestrée par le système nerveux. Chez les sujets normaux, la durée moyenne d’un cycle se situe entre 90 et 120 pas par minute, ce qui représente une vitesse de ± 4,5 km/h, si l’on estime que la longueur moyenne du pas est de 70 à 80 cm. Il est intéressant de constater que la cadence moyenne de la marche coïncide au tempo auquel nos compétences rythmiques sont les meilleures. Mais outre ces caractéristiques, la démarche humaine comporte une propriété spécique : le déplacement vertical du centre de gravité.
À l’occasion de recherches visant à reconstruire le mode de locomotion de notre ancêtre, l’Australo-pithèque, une équipe de scientiques a comparé la démarche des humains à celle des chimpanzés.
Il en ressort que le centre de gravité du chimpanzé décrit une ligne horizontale quasiment plane lorsque l’animal se déplace, alors que la marche humaine s’accompagne d’une oscillation verticale de ce centre d’une moyenne de 5 cm. Notre démarche présente ainsi une composante rythmique supplémentaire vis-à-vis de celle de nos plus proches cousins qui s’accompagne inévitablement d’un vécu différent pendant la locomotion.
Notre petite symphonie intérieure
Lorsque l’homme marche, une foule d’informations périphériques sont envoyées simultanément au système nerveux central. En voici le détail sommaire :
– Par la voie proprioceptive, notre cerveau est tenu au courant de l’état de tension de nos muscles et
de nos tendons. Comme nous l’avons vu plus haut, de nombreux muscles exercent une activité cyclique lors de la marche. Leur degré de contraction est rapporté au cerveau en permanence. Mais, en plus, le cerveau capte également les signaux envoyés par tous les autres muscles impliqués dans le maintien de l’équilibre qui se mobilisent au rythme de nos pas.
– Les senseurs de l’oreille interne envoient au système vestibulaire des inux périodiques correspondant à l’oscillation verticale de notre corps. Notre mode de locomotion stimule donc notre organe de l’équilibre à la fréquence de nos pas, mais stimule aussi notre cerveau d’une succession de petites bouffées d’éveil.
– Nous percevons le son de nos pas par la voie aérienne. L’intensité de celui-ci dépendra de notre démarche, de notre type de chaussure et du revêtement du sol. Mais le bruit de l’impact de nos pieds contre le sol nous parvient aussi par la voie osseuse – il suft de marcher en portant des bouchons d’oreilles pour s’en apercevoir.
– Les récepteurs de pression situés sur la plante de nos pieds envoient également à notre cerveau une information périodique synchronisée avec nos appuis sur le sol. Dès que nous marchons, toutes les informations répertoriées ci-dessus sont transmises selon un plan temporel calqué sur notre cadence. La synchronisation de ces signaux sensibles est d’autant plus cruciale qu’un certain nombre d’entre eux peuvent émerger à la conscience.
Nous pouvons écouter le bruit de nos pas et sentir en même temps le contact de nos pieds sur le sol tout en percevant conjointement l’effort de certains de nos muscles extenseurs. Plusieurs modalités sensorielles concordent ici pour rendre consciente cette périodicité, cette régularité qui anime notre corps en mouvement et qui nous est devenue si familière, si omniprésente. Au point que, pour beaucoup d’entre-nous, il est presque impossible de demeurer immobile face à un rythme musical : certains, par exemple, ne peuvent s’empêcher de remuer la jambe ou le pied en écoutant de la musique (stimulation proprioceptive) ; d’autres animent leur tête ou leur tronc de balancements répétitifs (stimulation vestibulaire).
Car la marche est sans doute la seule activité partagée par tous les hommes dont l’organisation se rapproche autant du tempo musical. Même si chaque individu possède sa propre démarche, même si la vitesse de nos pas varie en fonction de notre état, il demeure que le cycle locomoteur humain est bien moins sujet à des uctuations que les pulsations cardiaques ou le rythme respiratoire.
La répétitivité de la marche impose en effet un effort musculaire minimal couplé à une exploitation maximale des forces d’inertie et de gravité, car il s’agit ici de déplacer le corps tout entier en équilibre pendant parfois de longues périodes. Tout écart dans la régularité du mouvement impliquerait immanquablement un surcroît d’énergie qui pourrait porter préjudice à l’endurance de l’activité.
Ainsi, la marche nous semble-t-elle constituer l’activitérythmique de l’être humain par excellence. Expérience commune à tous les hommes, elle présente une constance temporelle et une résistance aux variations émotionnelles plus grandes que les autres fonctions physiologiques.
Mais elle est aussi l’une des seules dont on puisse prendre conscience sans pour autant en modier la fréquence.
À la fois vécu intime et perception d’un oscillateur étranger ànotre volonté, la marche est sans doute l’action éprouvée qui a ouvert la voie à la symbolisation du rythme musical, et pour la plupart d’entre-nous, aujourd’hui encore, la clé qui ouvre à sa compréhension, le geste qui lui donne un sens.
Arnould Massart
De la tête aux pieds – Le magazine en ligne des Ateliers du Rythme
Editeur responsable : A. Massart –
Concept et mise en page : A. Koustoulidis et D. Parfait –
© 2003 – Avogadro – n° 10 – Solstice d’hiver 2003
Hmmmm merci Jerome, ta publication tombe à pic : je donne demain une formation sur le rythme à des psychomotriciens, et nous marcherons beaucoup, pour sentir la pulsation et la différencier du tempo du métronome, et nous accorder par nos pas et respirations plutôt que grâce à une aide ou une intention mécanique. Je nourrirai l’argumentation de ton article !
Bonjour Sophie,
heureux que cet article te plaise, attention, il n’est pas de moi mais de Arnould Massart.
Si tu peux glisser aux psychomotriciens la formation clinique que je donne, notamment en janvier, c’est top!
https://otempo.org/formation-clinique-o-passo-intercamsp-medico-social-janvier-2024/
A bientôt
Jérôme