musique et dyslexie

Dyslexie et apprentissage de la musique

Voici une conférence à laquelle j’ai assisté à la cité des arts, le nouveau conservatoire flambant neuf de Montpellier.

Nous pensons que O Passo est une bonne solution pour aider les personnes Dys, c’est pour cela que je m’y intéresse particulièrement et que j’anime des formations clinique adressées au acteurs du médico-social (voir rubrique stages).

L’intervenante s’appelle Eléonore Boissier et le résumé de la conférence est l’œuvre de Céline Dulac (https://la-musique-et-vous.com/).

Bonne lecture.

Jérôme Viollet

 

Conférence dyslexie et apprentissage de la musique

par Éléonore Boissier, orthophoniste

3 février 2023 Cité des Arts

Ces notes non exhaustives sont à la fois un relevé de ce qui a été dit et de ce qui était écrit dans le powerpoint.

La dyslexie concerne 1 à 7 enfants sur 100.

On parle de dyslexie quand il y a un retard de langage écrit de plus de 18 mois. Donc on le constate plutôt en fin de CE1 ou CE2.

La langue française est particulièrement complexe, contrairement à des langues plus phonologiques comme l’espagnol.

Confusion de signes graphiques visuellement ou phonétiquement proches, ajouts de lettres…

Vérifier qu’il n’y a pas de trouble auditif qui peuvent être à l’origine des confusions (ex : enfant agité, qui peut voir souvent le nez bouché, qui fait des confusion entre les mots comme « voir » et « poire »…)

Deux hypothèses pour les causes de la dyslexie :

  • Héréditaire (ne pas hésiter à demander au parent s’il a vécu la même chose et comment il s’en est éventuellement sorti)
  • Déficit phonologique (l’enfant perçoit les sons de la parole avec de l’aide, mais tout seul il est en difficulté) ou visuel (instabilité binoculaire et/ou troubles visuo-attentionnels)

Lire, c’est mettre en correspondance des symboles visuels avec des représentions langagières phonologiques et sémantiques. C’est la même chose en musique.

Patience, observation et confiance de l’enseignant permettront aux élèves de continuer l’apprentissage et gardant en tête la notion de plaisir.

Comment distinguer une simple difficulté d’une véritable dyslexie : enfant intelligent, qui est capable de comprendre des consignes, de les répéter, mais qui ne parvient pas à discriminer certaines lettres, par exemple, à les reproduire à l’oral ou à les écrire (encodage ou décodage).

Ça se vérifie avec un orthophoniste cependant.

L’enfant doit être accompagné et soutenu car dans toutes les matières (y compris celles qu’il aime bien), il sera en difficulté par rapport à l’écrit et risque de se décourager.

De plus, les difficultés peuvent s’accumuler pour certains enfants, là où d’autres n’en auront aucune.

Le milieu familial peut avoir son importance (culpabilisation ou pas, pression, comparaison avec les autres enfants…)

Mais ça n’est pas insurmontable si c’est pris en charge, même à l’âge adulte.

Propositions des aménagement des épreuves d’examen :

  • dictée à trous en solfège
  • proposer plusieurs écoutes du morceau à jouer ou à transcrire
  • demander de fredonner l’air afin de s’assurer qu’il écrit bien ce qu’il perçoit et qu’il ne s’agit pas d’un problème d’analyse des sons (boucle audio-phonologique défaillante*)
  • s’assurer que le vocabulaire utilisé est bien compris par l’élève (signe graphique et sens du signe)
  • de la même façon que certains textes rebuteraient certains lecteurs, il peut être important d’impliquer l’élève dans le choix du morceau à interpréter. L’envie pousse souvent au dépassement de soi.

*Boucle audio-phonologique défaillante : je perçois un mot, j’ai l’impression de l’avoir bien compris mais je le répète de travers.

L’enseignement musical dispensé avec souplesse est une bonne thérapie pour la dyslexie (structuration du langage, transformation du son en image mentale écrite (lettre pour le langage, note pour la musique), perception avec plus de finesse en plus petites unités du langage musical et, par extension, du langage écrit…)

Notes au-dessus de la portée avec des lignes supplémentaires : mettre un code couleur pour que ce soit plus facile à discerner.

Apprentissage d’un mot en musique et en rythme par petites sections peut être plus facile qu’en répétant simplement les lettres de manière monocorde et non rythmée.

On peut passer par d’autres canaux sensoriels quand l’enfant est en difficulté.

Il faut parfois éviter les sur-stimulations avec certains enfants (ex : travailler dans le silence, éviter le surplus d’affiches aux murs…)

Les émotions fortes vont laisser des traces (ex : on se rappelle très bien des vêtements qu’on porte à un mariage, mais pas ceux qu’on a portés la veille), il faut en tenir compte dans l’apprentissage.

Livre proposé par une participante : Le don de dyslexie : Et si ceux qui n’arrivent pas à lire étaient en fait très intelligents de Ronald D. Davis > explique que l’enfant dyslexique a une façon extraordinaire de voir dans l’espace et un imaginaire fabuleux. Méthode qui apprend à lire en fabriquant les mots avec de la pâte à modeler. Le fait de manipuler les concepts et de s’en donner une image donne du sens. Il doit être moteur et actif dans ce processus.

La conscience phonologique est la première étape : capacité d’un individu à réaliser qu’en deçà du mot, la parole se décompose en sous-unités (syllabes et phonèmes) formant une combinatoire. Cette confiance émerge vers 5/6 ans. Après 9/10 ans, l’enfant est entré dans d’autres types d’apprentissages.

Mise en évidence du définit phonologique dans des tâches mettant en jeu la sensibilité de la conscience :

Conscience phonologique implicite :

  • détection de rimes

Mémoire verbale à court terme :

  • vérifier avec un petit empan de chiffres (4-5 chez un enfant, 7 chez un adulte).
  • Répétition de mots et de non-mots

Tâches de dénomination rapide :

  • lenteur due à une difficulté d’accès à la forme phonologique du mot dans la mémoire à long terme avant de planifier le geste articulatoire. C’est pareil en lecture de notes, ça peut être moins rapide.

Cerveau humain :

  • Hémisphère gauche : analyse temporelle du son
  • Hémisphère droit : analyse spectrale, timbre et hauteur des sons
  • Autres régions du lobe frontal : aires auditives mises à contribution dans les processus attentionnels et mnésiques associés à l’écoute musicale

La musique favorise l’apprentissage du langage, surtout si le contexte est favorable (absence de comparaison avec les autres, cours individuel avec un professeur qui prend le temps, absence de notation comme à l’école, notion de plaisir, pas d’obligation comme à l’école…)

L’apprentissage du solfège et du code écrit. Comment définir la musique et ce que l’on en perçoit ?

Certaines bases structurelles sont communes ou majoritaires dans toutes les musiques,

  • le chant, un petit nombre de notes, certains intervalles simples entre les notes et l’existence de pulsations.
  • La musique comme chaque langage est constituée de « syntaxe » relativement universelle, qui gouverne la manière dont les éléments musicaux (notes, pulsation) peuvent être combinés et exprimés séquentiellement pour créer accords, mélodies et rythmes.
  • Cette syntaxe n’est pas aussi rigide que dans un langage, elle joue des contrastes et des rapprochements de notes et de rythmes pour créer des regroupements perceptifs et la sensation d’écouter de la musique.

Une expérience sensorielle et un nouveau langage :

  • perception auditive, une sensation tactile, un stimulus visuel. Écoute et observation

apprendre un nouveau langage par le biais des notes (correspondance avec les phonèmes/graphèmes du langage)

  • la ponctuation (silence, pause)
  • on y ajoute la tonalité (bémol et dièse) qui transmettent les émotions, ce qui n’apparaît pas dans la lecture de mots car cette partie est laissée libre d’interprétation par le lecteur

Le solfège et la transcription musicale en dictée de notes témoignent d’un processus aussi complexe que celui de l’apprentissage du langage écrit. L’enfant en difficulté d’apprentissage est susceptible de rencontrer le même type de difficulté que celles précédemment citées.

Rappels pour le langage (langage écrit versus langage musical)

1

Processus d’apprentissage de la lecture

2

Décodage et encodage

Lecture et dictée

3

Vocabulaire musical

  • Identification et compréhension
  • reconnaissance des différents instruments
  • compréhension de l’émotion exprimée
  • voie d’assemblage (do/ré) (croche/noire)
  • Voie d’adressage (reprise du refrain, coda)
  • Des notes aux sons
  • Clé de sol/fa/ut
  • Compréhension des différents items qui structurent la portée : notes, silences, répétition d’une même structure musicale dans un morceau
  • Repérage spatio-temporel et lignes du cahier ou portée en musique
  • Difficulté supplémentaire pour l’enfant en surcharge cognitive
  • Il mélange alors les informations et peut émettre un résultat erroné en raison d’un vocabulaire mal compris

Les signes musicaux sont plus clairs que les signes écrits de la langue. Il y a moins d’implicite. On s’appuie sur quelque chose qu’on va transformer avec son corps (en le chantant, en le jouant).

La musique structure le langage (chansons, comptines…)

L’apprentissage d’un instrument

  • La perception qu’un morceau est une musique provient de l’identification par le cerveau de cette syntaxe : faire suivre des notes au hasard ne crée pas une mélodie reconnue comme plaisante par la plupart des gens
  • La mélodie et le rythme, le 3ème aspect majeur de la musique : elle provoque des sensations, elle interagit avec nos émotions
  • La culture joue un rôle essentiel : le fado tirera des larmes aux portugais mais pourra laisser de marbre les polonais.

Ce qu’il faut retenir :

  • La perception des différentes composantes de la musique : rythmes, hauteurs des notes, combinaisons simultanées de notes donnant des accords

  • La perception et la distinction des instruments utilisés dont la différence acoustique est appelée « timbre » : une même note jouée par un piano et un violon diffèrent par leur timbre, c’est-à-dire la répartition de l’énergie entre les fréquences multiples (harmoniques) de la note de base (fondamentale)

  • La mémoire immédiate ou de long terme pour comprendre une mélodie, reconnaître un couplet, un refrain, se rappeler d’un morceau connu : par exemple percevoir un rythme implique d’avoir mémorisé et reconnu la différence temporelle entre deux pulsations

  • La prédiction pas le cerveau des futures notes et arrangements : on peut reconnaître implicitement la gamme du morceau et prédire la note terminant la mélodie, c’est-à-dire la célèbre « résolution » en musique.

  • Les émotions liées à l’écoute pure du morceau, au souvenir accompagnant une écoute passée ou aux sensation donnant envie de danser par exemple

  • Le texte d’une chanson dont le sens et le rythme interagissent avec la musique.

L’inclusion des différences vous aide à garder les talents

Garder les élèves talentueux se traduit par un meilleur partage des savoirs et une plus grande souplesse dans l’enseignement

  • apprendre les schèmes moteurs liés à son instrument, façon de tenir l’archet, de souffler dans son saxophone ou sa flûte traversière, les différentes manières de gratter les cordes…

  • Tout cela résulte d’un apprentissage, d’une compréhension du geste à accomplir tout autant que d’un imitation du geste observé.

  • Certains élèves auront besoin de plus de temps que d’autres, mais il est important de garder en tête que les seules explications verbales ne suffiront pas toujours.

  • Proposer à l’élève de copier un geste de son professeur, de le produire à son tour et parfois aussi de se regarder devant la glace afin qu’il puisse lui-même apporter une auto-correction à son geste.

Le dyspraxique a du mal à organiser son geste, même s’il a compris ce qu’il fallait faire. Il peut avoir un déficit à mettre les séquences de gestes dans l’ordre.

Question magique : comment je peux t’aider à y arriver ?

Les enfants sont souvent capables de dire si ça va trop vite, s’il ont besoin d’une aide particulière…

Ne pas hésiter à repartir de plus simple et à prendre du temps pour ne pas finir sur un échec. Il faut que l’enfant se sente en confiance (attention au non-verbal que les enfants ressentent très bien) et que le professeur y croie vraiment. Le regard qu’on porte à l’enfant peut être porteur ou destructeur. La question de l’estime de soi a des répercussions immenses et cela peut avoir une incidence toute la vie.

« Tu peux compter sur nous, on est là, ça change la donne. »

Contact de l’intervenante : eleonoreboissier@gmail.com

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