Voici un nouvel article du très estimable Arnould Massart qui démontre une fois de plus, si c’est nécessaire les bienfaits de la marche pour l’acquisition de la pulsation et au-delà, des divisions à l’intérieur de celle-ci. C’est bien sûr, ce qui est prôné par la méthode O Passo.
Extrait d’un article de Arnould Massart « de la tête aux pieds » http://www.rythme.be/fr/.
L’émergence du langage est associée à la manipulation d’objets, cette dernière n’ayant été possible que grâce à la libération des mains engendrée par la bipédie.
Il nous est en effet impossible de rester debout sans bouger. Nos muscles posturaux interviennent à chaque instant pour rééquilibrer notre corps. Par ailleurs, la libération des membres antérieurs découlant de la bipédie offre une mobilité et une indépendance à toute la partie supérieure du corps qui requiert une gestion neurologique particulière. Même si pendant la marche, le balancement naturel des bras chez l’homme rappelle encore un peu la séquence des membres chez les quadrupèdes, celui-ci a la faculté d’exécuter avec ses bras des mouvements tout à fait indépendants de la cadence de ses pas. Pensons aux joueurs de basket-ball, aux jongleurs, aux danseurs…
Plusieurs niveaux de coordination sont ici nécessaires, car un même oscillateur ne peut commander, et la synchronisation des membres inférieurs, et celle des membres supérieurs. Il faudra qu’un agent situé en amont évalue la marge de manœuvre tolérable pour chaque système dans les limites de l’équilibre, tout en veillant à éviter qu’ils ne se parasitent l’un l’autre.
Mais outre ces caractéristiques, la démarche humaine comporte une propriété spécifique : le déplacement vertical du centre de gravité. À l’occasion de recherches visant à reconstruire le mode de locomotion de notre ancêtre, l’Australopithèque, une équipe de scientifiques a comparé la démarche des humains à celle des chimpanzés.
Il en ressort que le centre de gravité du chimpanzé décrit une ligne horizontale quasiment plane lorsque l’animal se déplace, alors que la marche humaine s’accompagne d’une oscillation verticale de ce centre d’une moyenne de 5 cm. Notre démarche présente ainsi une composante rythmique supplémentaire vis-à-vis de celle de nos plus proches cousins qui s’accompagne inévitablement d’un vécu différent pendant la locomotion.
Car la marche est sans doute la seule activité partagée par tous les hommes dont l’organisation se rapproche autant du tempo musical. Même si chaque individu possède sa propre démarche, même si la vitesse de nos pas varie en fonction de notre état, il demeure que le cycle locomoteur humain est bien moins sujet à des uctuations que les pulsations cardiaques ou le rythme respiratoire.
La répétitivité de la marche impose en effet un effort musculaire minimal couplé à une exploitation maximale des forces d’inertie et de gravité, car il s’agit ici de déplacer le corps tout entier en équilibre pendant parfois de longues périodes. Tout écart dans la régularité du mouvement impliquerait immanquablement un surcroît d’énergie qui pourrait porter préjudice à l’endurance de l’activité.Ainsi, la marche nous semble-t-elle constituer l’activité rythmique de l’être humain par excellence.
Expérience commune à tous les hommes, elle présente une constance temporelle et une résistance aux variations émotionnelles plus grandes que les autres fonctions physiologiques.
Mais elle est aussi l’une des seules dont on puisse prendre conscience sans pour autant en modi er la fréquence. À la fois vécu intime et perception d’un oscillateur étranger à notre volonté, la marche est sans doute l’action éprouvée qui a ouvert la voie à la symbolisation du rythme musical, et pour la plupart d’entre-nous, aujourd’hui encore, la clé qui ouvre à sa compréhension, le geste qui lui donne un sens.
Arnould Massart